Récit de voyage nature en mer Baltique
Printemps 2017, nous recommençons à nous entraîner physiquement après de longs mois d’inactivité (pour raisons diverses…)
26 mars 2017, nous pagayons sur le lac du Bourget. Il fait beau, l’eau est calme, nous en profitons de discuter de nos prochaines vacances d’été (de préférence « sportives ») !
Un peu de rêve… comme pour oublier les douleurs physiques de la reprise de l’entrainement ! Alors que nous évoquons tout un tas de lieux, les îles Åland font leur retour dans notre esprit !
Les Åland : (prononcez Oland) constitué de l’archipel du même nom comprenant environ 6 500 îles situées entre la Finlande et la Suède, à l’entrée du golfe de Botnie dans la mer Baltique. D’une superficie totale de 1 527 km2, l’archipel compte environ 80 îles habitées (environ 28 355 habitants en 2011). L’archipel est relié à la Finlande (géographiquement et politiquement) par une chaîne d’îlots alors que le golfe de Botnie le sépare plus nettement de la Suède. C’est donc tout naturellement qu’on y parle plus couramment… le Suédois ! La seule langue officielle d’Åland est, selon l’article 36 de la loi sur l’autonomie, le suédois. Le dialecte parlé à Åland, le suédois ålandais, est plus proche du suédois parlé en Suède que de celui parlé par la minorité suédophone de Finlande continentale. Il n’y a qu’environ 5 % de la population d’Åland qui a le finnois comme langue maternelle et environ 2,5 % une autre langue ! L’apprentissage de l’anglais est obligatoire dans le premier cycle. Il est très utilisé dans le secteur du tourisme.
Le virus des Åland a de nouveau frappé !
Il faut dire que nous avions déjà fait une première expédition la bas en 2015. Notre choix s’était porté sur le tour de l’île principale en 15 jours de kayak consécutifs en autonomie (dont 2 jours bloqués à terre par le vent) soit 210 km parcourus à la force de nos bras.
Ca y est, le projet de nos prochaines vacances d’été vient de voir le jour ! Nous jetons notre dévolu sur l’ile de Kumlinge. Une partie plus au Nord Est, que nous n’avions pas eu le temps de faire lors de notre 1er voyage.
Cette année, nos obligations professionnelles ne nous permettent de partir que 15 jours (dont 5 jours de voyages en voiture aller/retour). Nous prévoyons donc de ramer 10 jours (en comptant 2 jours de sécurité au cas où) en autonomie (kayak, nourriture, eau, bivouac et sans GPS),
Forts de notre 1ere expérience, nous maitrisons un certain nombre d’éléments tels que l’itinéraire routier, les départs/arrivés et horaires de ferrys au moins jusqu’à Mariehamn (capitale des Åland), les listes de préparation de matériel, les calculs de portions de nourriture….etc etc…
La date approche, tout s’accélère !
Tellement confiants, nous nous endormons un peu trop sur “lauriers” et c’est 1 semaine avant le départ que nous finalisons enfin nos préparatifs ! (non non… ce n’est pas un truc à faire….)
Puis le grand jour arrive enfin !
Nous prenons la route depuis Annecy (en Haute-Savoie), jeudi 27 juillet (Suisse / Allemagne – 1 nuit passée à Frankfurt / Danemark / Suède – 1 seconde nuit passée à Värnamo en suède) destination Kapellskar (côte Est Suède).
Samedi 29 juillet
Nous arrivons enfin à Mariehamn (capitale du territoire finlandais autonome des Åland) par le ferry de 19h15 au camping “Gröna Udden”, le seul dans cette petite ville comptant environ 11 471 âmes (en 2015). Il fait nuit lorsque nous montons la tente à la lueur des phares. Nous nous endormons rapidement, fatigués par ces 2 jours et demi de route interminable !
Dimanche 30 juillet
Après un bon petit déjeuner, nous faisons le plein de nos réserves d’eau. Nous nous rendons à la librairie du centre-ville afin d’acheter le complément de cartes nécessaires à la navigation de la partie que nous avons décidée de faire. Comme nous connaissons déjà les lieux, nous ne perdons pas de temps à visiter et filons rapidement au quai d’embarquement du ferry pour Hummelvik, jusque sur l’ile de Kumlinge.
Nous arrivons au camping Ledholm vers 14h30. Il fait grand soleil, voire même trop chaud pour l’endroit !
Cela n’était pas prévu, mais afin de récupérer un peu notre fatigue du voyage, nous demandons à louer un petit chalet plutôt que planter la tente (le confort est spartiate, le chalet ne contient que le stricte nécessaire, soit 2 lits superposés, sans eau et sans électricité). Il n’y a que 2 minuscules chalets dans ce terrain de camping immense qui semble avoir été déserté de ses campeurs ! L’endroit est calme et nous découvrons que ce camping est plutôt bien équipé : une mini cuisine comprenant four, micro-onde, cafetière, bouilloire, plaque de cuisson, vaisselle, évier, des toilettes sèches très propres, des douches chauffées par des panneaux solaires, un coin barbecue, des tables, des chaises, des bancs. L’équipement du camping, en apparence simple, est impressionnant.
En discutant avec le propriétaire du camping sur un éventuel « bon coin » pour partir en kayak, celui-ci nous apprend non seulement qu’il y a un canal qui passe au bout du son terrain de camping (qui débouche sur la mer, avec une sortie possible à droite comme à gauche) mais qu’en plus, vu le peu de monde sur le terrain, il nous propose de laisser notre véhicule garé chez lui. Nous nous sentons soudainement allégés d’un poids certain (pas d’endroit à chercher pendant des heures, possibilité de monter nos kayaks immédiatement, pas de souci de parking…) ! La belle aubaine !
Nous profitons de notre fin d’après-midi pour monter les kayaks, reconditionner les sacs que nous allons emporter, faire les derniers réglages de nos pédaliers etc…).
Lundi 31 juillet – Bivouac 1
Journée étape de 15 km
Après le petit déjeuner, nous commençons les allers/retours sur les 200 mètres qui nous séparent du canal avec les kayaks et tout notre matériel (nourriture, vaches à eau, couchage et tente, vêtements etc…). Nous avons environ 80 à 100 kg à transporter (sans compter les kayaks qui font respectivement 27 kg pour le plus grand et 23 kg pour le petit ainsi que nos combinaisons étanches et nos bottes). Le tout est quand même assez lourd !
Tout est acheminé ! Nous consultons une dernière fois la carte pour nous imprégner du parcours que nous ferons aujourd’hui. Nous chargeons nos kayaks, surnommés « nos vagabonds des mers », nos plus fidèles compagnons, en rapport avec notre amour pour le « vagabondage » !
Nous enfilons à la hâte nos bottes et nos combinaisons étanches sous un soleil de plomb.
Nous mettons enfin nos kayaks « ventrus » à l’eau (non sans mal vu leur poids et la hauteur de la berge). Notre excitation due au départ, nous fait bien vite oublier la fatigue des allers/retours que nous venons de faire sous cette chaleur accablante.
Il est midi.
Nous partons par la droite du canal. Premiers coups de pagaie… Un sentiment de liberté nous envahit en même temps que les éternelles questions « allons-nous y arriver », « sommes-nous capables » ? Nous avons l’impression de voler au-dessus de l’eau. Tout est calme, seul le bruissement des roseaux nous fait sortir de nos songes en douceur. Un couple de cygnes insouciants se prélasse au soleil.
Nos corps se fondent avec nos kayaks. Nos rames font un clapotis imperceptible et rend le moment de ce départ, solennel.
Nous débouchons sur la mer, le vent nous assaille ! Nous sommes pris d’un doute quant à la destination que nous venons de prendre ! L’euphorie du départ nous a fait commettre l’erreur de partir du mauvais côté ! C’est donc en sens inverse que nous reprenons le canal pour ressortir par le côté gauche de celui-ci, sans quoi, nous devrions ramer au moins 1h30 de plus pour contourner la très longue ile qui nous barre la route !
Notre gaffe réparée, nous prenons plein nord.
Le vent souffle relativement fort.
Nous avons repéré un canal sur la carte qui pourrait nous arranger, non seulement pour pagayer à l’abri du vent entre les roseaux mais également pour nous raccourcir sur l’itinéraire à suivre aujourd’hui. Nous cherchons l’embouchure de ce canal sans succès. Dans notre combat avec le vent de face, les vagues et les courants contre nous et après plusieurs tentatives d’incursion dans l’entrelacs des roseaux qui envahissent les fonds de baie, nous devons accepter que nous avons loupé l’entrée du canal salvateur !
Ce n’est qu’au cours du 2eme tour de l’ile, lors la seconde partie de notre périple, que nous découvrirons l’endroit où nous sommes passés allègrement devant l’entrée !
Le vent nous contraint de poursuivre notre route en suivant bien sagement la côte pour débusquer le coin de notre bivouac de ce soir.
Après plusieurs tentatives d’arrêts, nous repérons l’ile ou nous passerons notre 1ere nuit…. 1er montage de tente… 1er repas dehors….
Après cette 1ere journée d’efforts, nous nous organisons au mieux pour effectuer toutes les manipulations nécessaires à l’établissement de notre campement, le temps que nos vieux réflexes reviennent, je veux parler des 10 commandements du kayakiste en itinérance !
- Trouver un endroit « clément » pour la peau « fragile » de nos kayaks (ils ne supportent pas les cailloux pointus, tranchants etc…) et ce n’est pas un vain mot quand je parle de « clément » car aux Åland, rares sont les plages de sables fin.
- Repérer un coin relativement plat pour poser la tente (même sur les dalles puisque nous avons un modèle de tente autoporté). D’ailleurs, nous privilégions même ce type de terrain, plutôt que la végétation, afin d’éviter les tiques très très très nombreuses aux Åland et dont nous avons déjà fait les frais en 2015 !
- Sortir les kayaks (tant bien que mal avec leurs charges) sur les cailloux recouverts de mousse verte (genre limon) plus que glissants (les sorties de kayak sont toujours assez rocambolesques et acrobatiques….)
- Ouvrir le ventre de nos kayaks pour les décharger afin de les alléger et les transporter au sec et hors des vagues
- Monter la tente est notre 1ere action !
- Puis vient la recherche des pierres nécessaires et suffisamment grosses pour ne pas que la tente s’envole en cas de fort vent nocturne (après une journée à pagayer, c’est sympa de porter encore des cailloux, d’ailleurs… c’est le moment qu’on préfère… ou pas… !)
- Dépliage des sacs de couchage, gonflage des matelas, rangement des sacs de vêtements et autres ustensiles ….
- On quitte enfin nos combinaisons et nos bottes pour les faire sécher aux derniers rayons de soleil sur les dalles encore chaudes
- On éponge l’éventuelle eau dans les kayaks, on accroche les pagaies (en cas de vent), on range les combi sèches et les gilets à l’intérieur (trop encombrants dans la tente) et tout ce qui ne nous sert pas pour la nuit, et enfin on les couvre à l’aide du protège hiloire, la journée est presque finie !
- Préparation du repas à l’aide de notre réchaud : on mange et on organise pour le petit déj du lendemain
Le soleil est encore chaud, la mer pas trop agitée… je m’octroie une petite baignade, l’eau doit être à 16 ou 17°
Après tout cela, la fatigue commence à se faire sentir sérieusement et c’est avec grand plaisir que nous rentrons à l’abri du vent qui ne faiblit pas, dans notre « cocon jaune » pour un sommeil bien mérité, après avoir lu une petite heure pour nous détendre, au son des vagues, à l’abri d’une falaise bien ensoleillée.
Mardi 1er août – Bivouac 2
Journée étape de 12 km
Le vent a soufflé une bonne partie de la nuit, mais nous nous réveillons plutôt bien reposé.
Nous déjeunons et repartons dans notre rituel (… les 10 commandements de la levée de camps…) pour le démontage, pliage, rangements divers, portage des kayaks, chargements, enfiler nos horribles combinaisons étanches qui nous arrachent les cheveux au passage (pourtant si utiles en cas de chutes à l’eau), les bottes, et enfin la mise à l’eau des kayaks.
Les 1ers coups de pagaie de la journée sont toujours les plus agréables. Une nouvelle journée commence et nous visons le Nord-Est.
Après 1h30 à 2h00 environ de pagaie, nous trouvons une adorable petite plage de sable de granit rose ou nous faisons une pause. L’endroit aurait été parfait pour un bivouac, malheureusement, il est trop tôt pour s’arrêter (pourquoi les supers endroits se trouvent toujours quand ce n’est pas l’heure de s’arrêter !!!!).
Nous sommes contraints de repartir, puis ramons 2 nouvelles heures et le vent se lève.
Nous pique-niquons rapidement et repartons. Le prochain arrêt devrait être celui du bivouac.
Nous suivons maintenant la direction Sud-Est et nous avons de plus en plus de mal avec le vent du Sud qui nous arrive en pleine face et nous demande des efforts considérables pour avancer.
Nous essayons, à l’aide de la carte de naviguer en louvoyant d’une ile à l’autre afin de longer au maximum les côtes pour être sous le vent. Faible consolation, car cela nous rallonge considérablement et nous protège tant bien que mal de ce satané vent !
Nous arrivons dans une zone tellement peu profonde que le fond des kayaks racle les rochers et nous sommes obligés de descendre et de les tirer.
La fin de journée approche et nous repérons enfin l’ile qui sera parfaite pour notre second bivouac. Des rochers en surplomb de la mer au fond d’une baie protégée des vents et courants feront l’affaire.
La « résistance » étant bien installée maintenant, nous exécutons le rituel quotidien sans encombre ! J’ai même le temps de me baigner, l’eau est à 19°, c’est parfait avec la chaleur que nous avons eu toute la journée. Ma montre thermomètre affichait 33 ° sur le pont du kayak au plus chaud de la journée et à l’abri du vent. Heureusement, celui-ci s’est chargé de nous rafraichir !
Nous profitons d’être en avance sur l’horaire pour faire le tour de l’ile, prendre quelques photos. Le retour de l’autre côté est semé d’embuches (zones marécageuses, roseaux, petites falaises… mais nous arrivons à boucler notre tour !
Ce soir pour nous, c’est dîner de fête ! Lorsque nous partons comme ça loin de chez nous, nous emportons un peu de notre Haute-Savoie. Vous avez peut-être compris de quoi je voulais parler…. De la célèbre fondue au fromage bien sûr, que nous prenons soin d’emporter emballée sous vide ! Ca n’était pas prévu que nous la mangions si tôt après notre départ, mais la chaleur à laquelle nous ne nous attendions pas du tout (ce qui n’avait pas été le cas en 2015 ou nous avions plutôt eu froid) a tout précipité ! Depuis quelques jours, le fromage commençait sérieusement à fondre dans l’emballage, prenant un air de bloc aggloméré, pas très appétissant !… Heureusement, aucun impact sur le goût de notre festin, une super soirée en fait, et un régal dégusté sur un fond de soleil couchant !
Mercredi 2 août – Bivouac 3
Journée étape de 28 km
Ce matin le fond de la baie est aussi calme que la veille et au loin le courant est aussi fort qu’hier soir ! Ça va être sympa, encore une belle journée pour les voiliers mais pas pour les pauvres kayakistes que nous sommes !
Nous prenons direction plein Sud grâce à la boussole fixée sur le pont de mon kayak tandis que mon compagnon, lui, a installé la carte dans une pochette étanche.
Toujours dans le but de se protéger du vent, nous recherchons les passages protégés dans les roseaux, nous longeons les côtes des iles autant que faire se peut. Nous rencontrons des zones marécageuses et c’est compliqué de s’arrêter pour faire nos pauses !
Nous recherchons un passage entre les iles, et soudain nous surprenons un renard, bien peu farouche qui nous suit depuis le bord, malheureusement, nous n’avons pas le temps de le prendre en photo.
Plus tard dans l’après-midi, c’est avec une certaine inquiétude que nous nous apprêtons à traverser la ligne des ferrys (nous n’avons pas le choix si nous voulons poursuivre notre tour). Un regard à droite, un regard à gauche et l’oreille aux aguets, nous sommes au maximum de notre puissance contre le vent, et pourtant l’impression d’être scotchés. Nos kayaks gîtent, roulent, tanguent et nous ne voyons pas la fin de cette voie. Les balises rouges et vertes qui jalonnent ce chenal semblent ne jamais se rapprocher ! La peur de nous retrouver sous l’étrave d’un de ces monstres lancés à pleine allure nous fait redoubler d’efforts, nos frêles embarcations seraient broyées en quelques secondes. Heureusement, nous n’en croiseront aucun et nous finissons la traversée sans embuche mais au prix d’un tel effort, que nos bras en tremblent.
Nous commençons à repérer un coin de bivouac pour la nuit. Une petite ile semble nous tendre les bras bien que le vent et les vagues soient assez gênants pour pouvoir s’arrêter dans de bonnes conditions. Nous décidons de poursuivre car il y a d’autres iles plus loin. Erreur fatale ! Le vent forcit soudainement nous poussant rapidement au bout de l’ile et nous emportant sur la suivante. Malheureusement, au bout d’une heure à tourner autour des îlots, aucune ne convient à notre bivouac et la force du vent, rend maintenant, tout arrêt impossible. Nous n’aurions pas dû faire les « difficiles » tout à l’heure, aussi nous essayons de retourner à l’ile initiale. Le vent nous projette contre les pierres qui jalonnent le bord, les dalles glissantes rendent l’extirpation de nos kayaks compliquée ! C’est avec grand peine, que nous hissons nos bateaux en dehors de l’eau.
Le montage du camp est particulièrement pénible ce soir. Il y a la fatigue de nos 28 km, le stress de la ligne de ferry, le vent fort de face, nous devons penser à tout caler car tout s’envole. Il nous faut encore chercher des pierres monstrueuses pour bien arrimer notre tente et fabriquer un mur de protection pour faire barrage au vent qui s’engouffre dans celle-ci !
Pour couronner le tout, nous voyons à l’horizon un rideau de pluie avancer sur nous pour enfin s’abattre sur nos têtes une quinzaine de minutes plus tard ! Nous sommes mouillés, mais le spectacle en valait la chandelle !
Notre repos nocturne ne sera pas terrible. Toute la nuit, nous entendrons, le vent sur la toile ainsi que le bruit des vagues déchainées semblant vouloir rentrer dans la tente !
Jeudi 3 août – Nuit au Camping
Journée étape de 9 km
Nous venons d’avoir les infos par sms de nos « assistants météo » restés en France, qui ne nous apportent pas de bonnes nouvelles. De la pluie et des orages sont annoncés pour plusieurs jours ainsi que des vents violents (80 km/heure).
D’ailleurs, en sortant de la tente, nous découvrons une mer encore plus agitée que la veille rendant impossible tout espoir de mettre nos kayaks à l’eau à l’endroit où nous avons débarqué hier soir.
Nous prenons, notre petit déjeuner à la hâte au soleil mais dans le vent, en étayant tout un tas de théories afin d’éviter de rester bloqués sur cette ile. Nous partons en prospection dans l’espoir de découvrir un « échappatoire » avant de ranger tout notre matériel et démonter la tente.
Mon compagnon revient et il pense avoir trouvé un coin de l’autre côté, complètement abrité en contrebas de notre promontoire, qui pourrait nous permettre de nous mettre à l’eau. Le seul hic, c’est qu’il y a du portage sur une assez longue distance, des dalles à franchir (montée, descente), des cailloux à surmonter, de la végétation à éviter …. Nous hésitons, tergiversons, et enfin nous prenons notre décision. Notre envie d’avancer et surtout de ne pas rester bloquer sur cette ile alors que la pluie est annoncée, décuplent nos forces pour le balais incessant de nos allers/retours, les bras chargés de toutes nos affaires et de nos kayaks vidés de leurs lourdes charges.
Il nous faudra pas moins de 2h00 pour boucler notre chargement et nous mettre à l’eau !
Sortis de la petite baie protégée, c’est un vent tonitruant qui rugit sur nous, rendant notre marche très pénible. Tout devient compliqué. On ne peut plus s’arrêter de ramer même pour s’hydrater, sous peine de repartir en arrière. Le simple fait de vouloir consulter la carte pour se diriger entre les innombrables iles et ne pas perdre notre cap est devenu impossible. Nous ne sommes pas sûrs de l’itinéraire !
Nous décidons, à regret, de mettre le cap sur le terrain de camping (à une dizaine de km de nous) pour s’y mettre à l’abri alors que le mauvais temps se confirme.
C’est en fin d’après-midi que nous arrivons au camping, exténués. Autant d’efforts en rapport des 9 kilomètres effectués aujourd’hui…. Piètre journée !
Nous découvrons que le camping dispose d’un sauna chauffé au feu de bois, sur réservation, et c’est avec grand plaisir que nous y restons 1 petite heure puisque celui-ci est disponible.
Nous passons une soirée tranquille et faisons des projets de visite sur l’ile pour le lendemain, tout en surveillant la météo, au cas où celle-ci nous permettrait de reprendre la mer.
Vendredi 4 / Samedi 5 et Dimanche 6
Le mauvais temps est confirmé et nous entreprenons 3 jours de visites à terre
Vendredi 4 aout – Nuit au Camping
Visite de l’église de Kumlinge
Circuit pédestre dans des paysages somptueux ou nous ne rencontrons pas âme qui vive !
Samedi 5 août – Nuit au Camping
Balade à pied
Ramassage de myrtilles que nous transformerons, de retour au camping, en confiture pour nos petits déjeuners
Dimanche 6 août – Nuit au Camping
Balade à pied
Lundi 7 août – Bivouac 4
Journée étape de 17 km
Après ces 3 jours que nous avons mis à profit pour visiter l’ile de Kumlinge et les iles environnantes par les terres (ferry entre les iles de Enklinge au Nord / Snäkö au Sud-Ouest / Seglinge à l’Ouest de Snäkö), nous sommes heureux ce matin de pouvoir reprendre la mer.
Nos kayaks déjà chargés depuis la veille attendent avec impatience, tout autant que nous, de retrouver la navigation en toute liberté.
Ce matin nous partons par la sortie droite du canal, plein Est et nous attaquons notre second tour de l’ile (avec des variantes afin d’éviter de repasser par les mêmes endroits).
Aujourd’hui les conditions météo sont plutôt favorables, le vent est faible, l’eau presque calme et nous trouvons de superbes dalles roses pour faire notre pause de midi. Nous souffrons cruellement de la chaleur dans nos combinaisons que nous retirons pour manger.
Il faut reprendre la route et trouver un coin pour la nuit. Nous suivons maintenant la direction Nord.
Plus tard en fin de journée, nous trouvons de belles dalles roses en hauteur qui accueilleront notre 4eme bivouac.
Au cœur de la nuit, une lueur éclaire tout l’intérieur de la tente et me fait sortir malgré la flemme, de mon duvet douillet. La nuit est claire et fraiche mais le spectacle me récompense en m’offrant un super clair de lune sur la mer. Splendide !
Mardi 8 août – Bivouac 5
Journée étape de 18 km
Une nouvelle journée venteuse. Nous traversons plusieurs baies, un petit canal, nous passons devant des maisons de villégiatures, des enfants se baignent, les paysages sont paisibles. Le vent ne cesse pas.
Des dalles de grès rose pentues mais bien lisses au fond d’une baie de forme carrée et dont les bords relativement accessibles nous permettent d’accoster sans trop de difficultés, nous tendent les bras. Il est 15h00.
Toutes nos « obligations » terminées en ce milieu d’après-midi, nous nous octroyons un moment de répit en profitant des rayons de soleil encore chauds et de la mer paisible pour se baigner et boire un bon café. Nous ressentons un bien-être palpable, tant celui-ci nous fait du bien après cette journée passée à se battre contre ce satané vent. Quel bonheur de savourer la quiétude de cette nature pourtant parfois si impétueuse, quant au cœur de la tourmente, nos corps fatigués ont quelques fois envie de nous abandonner. Nous dégustons le calme, nous nous sentons en harmonie avec la nature qui nous entoure, en communion avec le paysage. La lumière dorée de cette fin de journée éclaire les rochers rougeoyants pour le plus grand bonheur de nos yeux.
Cette solitude réconfortante apaise nos corps malmenés par plusieurs journées de combat contre le vent.
Quelle délectation !
Mercredi 9 août et Jeudi 10 août – Nuit au camping
Journée étape de 28 km
Nous entamons notre navigation en Sud-Ouest avec un soleil radieux.
Aujourd’hui, une longue journée nous attend. Levés à 6h15 pour traverser une nouvelle fois la ligne des ferrys (nous avions pris soin la veille de consulter les horaires de traversées afin d’éviter une rencontre inéluctable avec l’un de ces monstres qui nous font si peur !). Au fur et à mesure que nous nous dirigeons plein Sud, le vent se lève et ne fait que forcir. Nous prenons conscience qu’un nouveau combat contre le vent va s’engager. La voie à franchir nous parait une fois de plus interminable.
Nous avons du mal à trouver un endroit abrité pour nous arrêter pique-niquer. Après plusieurs tentatives infructueuses, nous stoppons au fond d’une petite baie remplie de roseaux et de mousse verte glissante qui sent la vase et l’eau croupie, les rochers sont remplis de fiente d’oiseaux mais nous n’avons rien trouvé de mieux. Une famille de canard apeurée par notre arrivée, nage à vive allure en direction des roseaux pour y trouver refuge, puis ressort à l’autre bout de la baie pour poursuivre son chemin en longeant l’ile, loin de nous. Un des petits canetons indiscipliné se trouve maintenant isolé, loin de sa famille. Il cancane compulsivement pour retrouver sa mère. Nous pensons qu’il s’est égaré et nous fait culpabiliser de les avoir dérangés dans leur intimité.
Nous reprenons notre cap Sud pendant plusieurs heures contre le vent et tentons de dénicher notre nouveau coin bivouac. Nous découvrons que le paysage a complètement changé dans cette partie de l’ile. Les rochers deviennent des dômes et des falaises et les berges très pentues. Tout cela ne présage rien de bon !
Après un temps considérable à faire des allers et retours, à tourner en rond autour des iles, à explorer le terrain, nous louvoyons et rivalisons de stratégie pour que nos kayaks soient tantôt poussés par le vent, tantôt houspillés contre lui. Nous prenons des paquets de mer et alors que nos proues s’enfoncent de façon inquiétante dans l’eau, force est de constater notre échec ! Le ciel s’assombrit et devient menaçant. Nous sommes épuisés et ne trouvons aucun arrêt possible pour ce soir. Désespérés, nous consultons la carte et la seule solution qui s’offre à nous est de rentrer (à contre cœur) au camping qui se trouve à environ 3 km à vol d’oiseau.
La sentence de la fin de notre séjour s’abat sur nous (avec un jour d’avance, l’arrêt était prévu pour le lendemain soir) et c’est avec des mines de chien battu que nous ramons en direction de Ledholm !
Nous arrivons aux alentours de 18h00, exténués, désappointés et trempés, tant de sueur due aux efforts que de l’assaut incessant des vagues.
Autant que nos forces nous le permettent, nous rangeons, plions, séchons un maximum de choses et tentons de trouver un peu de réconfort dans le sauna disponible (le propriétaire du camping nous fait cadeau de la séance). Mission réussie, nos muscles endoloris se détendent complètement et nos esprits se libèrent, nous permettant de prendre du recul sur notre fin de journée.
Notre seconde consolation sera d’ouvrir notre petite bouteille de champagne que nous avions pris soin d’emporter avec nous ! Elle accompagnera avantageusement notre « lyoph » car nous n’avons plus le courage de cuisiner ce soir !
La nuit est pluvieuse et nous nous réveillons au petit matin dans un terrain marécageux !
Nous mettrons à profit une bonne partie de la matinée pour faire sécher nos affaires qui sentent le moisi (pour ne pas dire le « chacal »….), plions les kayaks, rangeons le tout dans la voiture.
L’après-midi nous allons nous promener mais la contrariété du retour nous empêche de profiter pleinement. Nous finissons notre soirée par un barbecue qui enfume littéralement nos voisins campeurs Hollandais venus se protéger du vent sous l’abri prévu à cet effet. Désolés les voisins !
Nous passons la soirée à échanger nos impressions sur les jours que nous venons de passer avec une certaine satisfaction. Que de beaux et bons moments vécus, riches en émotions, en sensations, que d’enseignements tirés sur nous-mêmes. Nous oublions bien vite les combats parfois difficiles contre notre ennemi « le vent », nous sommes heureux de ce que nous venons de réaliser, nous prouvant à nous-mêmes nos capacités d’obstination à réussir les objectifs que nous nous fixons, nous en ressortons ressourcés et plus forts encore.
On nous pose souvent la question : Pourquoi faites-vous tout cela ? Pourquoi de tels efforts ? Qu’est-ce que cela vous apporte ?
En conclusion nous pouvons répondre que cette discipline rassemble sous ses couleurs, des valeurs fortes telles que :
- Le respect de l’environnement, c’est un sport 100 % nature (nous sommes extrêmement soucieux de laisser un minimum d’impact derrière nous) !
- Le dépassement de soi (c’est savoir où et comment puiser l’énergie qui nous fait nous surpasser pour donner le meilleur de nous-mêmes)
- La persévérance, (puiser la force en nous pour nous faire avancer même aux pires moments)
- L’esprit d’équipe (indispensable dans ce genre d’aventure)
- L’indépendance (liberté de s’arrêter ou de continuer, autonomie du choix de l’itinéraire : en effet, en kayak, il est possible d’atteindre des endroits inaccessibles à pied)
- L’observation de la faune, du fait du déplacement silencieux des kayaks, découverte des paysages.
Infos pratiques
Itinéraire de navigation en 7 jours (environ 127 km)
Itinéraire routier :
- Gazole pour le transport : Annecy / Suisse / Allemagne / Danemark / Suède (passage par Stockholm) / passage par Mariehamn (Finlande) soit 2 253 km puis arrivée sur l’ile de Kumlinge
- 2 Ferrys
Matériel :
Vêtements :
- Sous-vêtements isothermes légers (T. Shirt à manche courte et pantalon) + (1 rechange complet dont 1 T. Shirt à manche longue)
- 1 tenue chaude pour dormir
- Combinaisons étanches
- Gants légers / Tour de cou / Bonnet
- Bottes hautes
Matériel de bivouac :
- Tente MSR (modèle Fury) + bâche épaisse
- Duvets de montagne (0 à -10°) / Oreillers gonflables / Matelas autogonflants
- Réchaud à gaz (modèle Spider spécial résistant au froid au gaz propane, très bas pour résister au vent)
- Lampes frontales (qui nous ne servent pas en réalité car il fait jour en été presque jusqu’à minuit)
- Popote pour la cuisine / Couverts légers / Tasses et Bols légers / Thermos (pour l’eau chaude => repas du midi lyophilisés ou soupes et café du midi).
Bon à savoir : les Ålandais sont des gens qui ont un sens de l’accueil sans précédent (typique des Pays Scandinaves) ! Nous avons pu le tester plusieurs fois en 2015, nous n’avons pas eu l’occasion cette année. Il y beaucoup plus d’iles privées et d’habitations secondaires sur l’île principale que sur l’île et autour de Kumlinge. En 2015, à plusieurs reprises nous avions été « pris » soit par une mauvaise météo, soit par le timing, et contraints de devoir s’arrêter sur des terrains ou îles privées. Et après avoir demandé l’autorisation à leurs propriétaires, se voir octroyer sans aucun problème, un coin au fond de leurs jardins ! Une fois, on nous a même priés de se reposer après un méchant « coup de tabac » que nous venions d’essuyer, dans une petite maison de jardin ou les propriétaires nous ont branché le chauffage le temps de nous endormir sur le canapé et nous ont ensuite invités à prendre le thé dans leur maison !
Navigation
- 1 Kayak Raid 460 Nautiraid (+ leash + pagaies légères en carbone + gilet)
- 1 kayak / 416 (+ leash + pagaies spéciales Groenlandaises en bois -évite les tendinites- + gilet)
Bon à savoir : Notre choix s’est porté sur ce type de kayak pour plusieurs raisons : - Facile à monter (1h00 environ par kayak),
- Pratique à stocker (se démonte complétement et se range dans une grande housse, génial quand on n’a pas de place et pas de garage)
- Commode à transporter (on peut le porter dans son sac sur le dos, comme un gros sac à dos ! facile à transporter dans un coffre de voiture)
Le kayak Nautiraid est l’outil indispensable pour partir en expédition (on peut l’emporter en avion)
Il reste léger, très compact une fois plié, et surtout très stable sur l’eau une fois chargé.
Pour faciliter les manœuvres et la navigation, les nôtres sont équipés de gouvernails (manœuvres aux pieds à l’aide d’un pédalier) et ce sont des modèles homologués pour la mer. Ils sont pontés et jupés comme des kayaks en dur. Bande d’échouage renforcée sous le kayak résistant à l’usure
Attention particulière : cailloux pointus, que leur peau n’aime pas du tout !
Nous avons acquis les nôtres au Vieux Campeur de Thonon (74) - 1 Chariot (que nous laissons à terre)
- 2 pagaies de secours
- 1 Boussole de navigation de pont
- 2 jupes
- 2 sièges modèle “expédition”
- 2 couvre-hiloire
- Plusieurs sacs étanches / vaches à eau (autonomie de 25 litres + nos 2 poches à de 3 et 2 litres)
- Cartes spéciales Åland (Carte générale des Åland : on la trouve au Vieux Campeur et on peut même l’acheter sur le Ferry) + maritimes (on les trouve facilement à la librairie de Mariehamn)
Nourriture
- Repas lyophilisés, semoule, nouilles Chinoises, fromage râpé sous vide + pain sec pour 1 fondue, soupes lyophilisées, conserves diverses, compotes, salade de fruits, crêpes, fruits secs divers, barres céréales et chocolat, biscuits pour 10 jours
- Céréales / pain sous vide / café / thé / sirop d’agave
- Gaz pour 3 semaines
Autre matériel
- Chargeur solaire Extrême Traveller
- Téléphone portables que nous utilisons le moins souvent possible (les com restent chères ainsi que l’utilisation d’Internet. Par contre bon réseau 4G un peu partout). Nous bénéficions d’une « assistance météo » de la part de notre famille de France, reçue quotidiennement par sms
- Appareil photo Canon G15
- GoPro
Article génial. Un des meilleurs que j’ai lu sur ce site.
Magnifique aventure… Merci de l’avoir partagée !! ;-))
Tout simplement magnifique.!
J’ai adoré ce récit, amusant, captivant, étonnant. Bravo Jonathan !