Mardi matin 9h, direction Grenoble pour attraper la navette pour Genève. La préparation de ce voyage a demandé de très nombreuses heures de recherche et de planification, heureusement, la Norvège se rapproche à grand pas. Mon sac est lourd (16kg) mais bien organisé. La météo annonce du mauvais temps mais toutes mes affaires sont à l’abri dans des sacs de kayak (très très important!!!!).
Aéroport, check-in, dépôt des bagages, sécurité, duty-free (on résiste, au retour on pourra se lâcher avec le reste des devises non dépensées), quelques heures d’attente et enfin embarquement.
Petite halte à Zurich puis enfin Oslo. J’y retrouve deux amies de l’école puis un ami Danois. Tout le monde est content de se retrouver, fatigués du voyage mais enthousiastes. On monte dans le bus pour Roldal. À ce moment-là, je ne savais pas que le magicobus n’existait pas uniquement dans Harry Potter. Le bus prend les petites routes de montagne, de nuit, à grand coup d’accélérateur et de frein. Les locaux ronflent en cœur pendant que nous tentons de calmer nos tripes.
Enfin la fin du voyage. Il est 4h30 du matin, le chemin démarre là où nous a laissé le bus. Après 30 minutes passées à le chercher (bien caché et non indiqué), nous commençons à marcher. Mes compagnons réclament rapidement une sieste. Une heure après la reprise de la marche, la pluie commence à tomber. Je prête ma cape de pluie à un ami mal préparé. Les rivières débordent et il faut traverser à gué. Certains mouillent les chaussures, d’autres traversent pieds nus. Sur les conseils avisés de ma maman, j’ai une paires de chaussures de plage type méduses. Je traverse ainsi facilement et les garde aux pieds pour le reste de la journée pour éviter de mouiller mes chaussures dans l’herbe détrempée. Je ne me doutais pas à ce moment que j’allais marcher tout le voyage avec. Nous finissons notre journée de marche sans encombre même si nous n’atteignons pas l’objectif du jour.
Première nuit dans une petite clairière, première toilette de chat dans la rivière, premières tentatives (infructueuses) de faire sécher les affaires dans la tente et enfin premier repas chaud. Il pleut alors nous mangeons dans la tente puis nous couchons directement. Une nuit sans rêves, longue et réparatrice. Mon compagnon de tente est grand et est gêné par la petite taille de la tente (difficile de caser un Danois de 2m10 dans une tente de 2m10…) mais la nuit fut bonne.
Petit déjeuner et reprise de la marche. Nous rencontrons de nombreux moutons en liberté dans le parc mais aucun fou n’a pris le même chemin que nous. Il pleut. Il pleut. Il pleut. Nous sommes délavés et le moral commence à s’effriter. Nous mangeons entre deux rochers, abrités par un bout de bâche que mon papa m’a fait emporté au cas où. Nous marchons tant et plus. Nous nous perdons. Une amie et moi faisons du repérage pendant que les deux autres récupèrent. Nous faisons marche arrière et retrouvons le chemin. Après une grosse journée de marche, nous nous arrêtons enfin. Après un repas des plus diététiques et dangereux (haricots rouges et lentilles, le tout dans de la purée de tomate), et au lit. Il pleut, c’est la mousson en Norvège. Heureusement, ma tente nous garde au sec. Ce n’est pas le cas de mes amies. Leur tente prend l’eau. Les duvets sont mouillés, elles ont froid. Mon sac reste dehors la nuit car l’alcôve ne peut accueillir qu’un sac. Merci papa pour les sacs de kayak et la bâche, mes affaires sont sèches malgré les ruisseaux qui traversent mon sac de part en part. Nous repartons.
La pluie de la nuit a fait gonfler les rivières. Les ruisseaux sont des rivières et les rivières des torrents. Je ne marche plus qu’avec mes méduses (et des chaussettes, afin d’éviter les frottements et avoir un look au top). Nous traversons à gué jusqu’à 6 fois ce jour là. Tout le monde est mouillé, le moral est au plus bas. Les duvets de mes amies sont trempés, leurs sacs ont pris l’eau et toutes leurs affaires sont imbibées. Mon grand Danois à froid. Nous cherchons une ferme afin de demander un coin de grange pour la nuit. Nous avions une journée de marge, nous l’utiliserons pour sécher. Après 5 heures de marche, nous apercevons enfin les quelques habitations indiquées sur la carte. Nous toquons, le monsieur ouvre mais ne parle pas anglais. Nous ne parlons pas norvégien. Heureusement, le danois et le norvégien sont suffisamment proches pour que mon ami puisse se faire comprendre. Devant nos bouilles trempées et miséreuses, le brave homme nous ouvre son ancienne maison et nous allume un bon feu.
C’est une bénédiction, le poêle tourne fort, les affaires sèchent en un clin d’œil. Il n’est que 17h30 mais déjà nous mangeons et allons nous coucher, au sec et au chaud. La météo annonce du beau temps maintenant. Nous sommes secs, le moral repart et nous décidons de continuer.
Quatrième jour, enfin du soleil. Nous marchons d’un bon pas, le cœur léger. Nous croisons des paysages variés, à couper le souffle, des hermines, des moutons. Toujours autant d’eau dans les rivières mais au moins nous n’avons pas trop froid. Je bénis ma maman à chaque instant pour les méduses. Je traverse les cours d’eau sans problème, mes pieds sèchent rapidement et avec les chaussettes, je n’ai pas mal au pied. Mes chaussures de montagne sèchent enfin un peu. Nous posons le campement au pied d’un énorme névé. Le vent souffle fort, l’air est vif mais il ne pleut pas. Repas rapide et au lit. Il fait froid cette nuit, mon ami Danois, mal équipé grelotte et se sert de moi comme d’un radiateur en me serrant dans ses bras. Merci papa pour ce duvet bien chaud et le matelas isolant.
Cinquième jour. Des douleurs au genoux d’une camarade nous font réviser le trajet. Nous n’irons pas jusque Trolltunga. Nous marchons toutefois plus lentement, profitons du paysage et nous réchauffons au soleil. Savoir l’étape du jour courte met tout le monde de meilleur humeur. Nous arrivons sur notre lieu de campement tôt. C’est un petit plateau couvert de lacs. L’endroit est superbe. Il est encore tôt, nous pouvons nous permettre de nous laver sans craindre le froid de la nuit. Le bain dans le lac à 3 degrés est vivifiant mais procure un sentiment de propreté incroyable.
Si je ne devais me souvenir que d’une journée dans ce voyage ce serait celle-ci. Il fait beau, le soleil sèche mes cheveux fraîchement lavés. Le paysage est splendide, le soleil rasant reflète les montagnes dans la myriade de petits lacs. Je suis entourée de mes amis. Ce moment n’est que pur bonheur. Nous avons posé la tente sur un îlot. Le soleil tardif en cette saison a chauffé l’intérieur et la douce chaleur nous berce. Nous dormons paisiblement. Pas de pluie. Réveil au milieu des lacs, sans autre bruit que le chant des oiseaux. La nature émerge doucement alors que le soleil réchauffe les rochers de basalte.
Tristement il faut repartir. C’est le dernier jour, nous redescendons du plateau pour arriver à Odda. La descente nous casse les genoux car les sacs sont encore lourds, heureusement j’ai remis mes chaussures de randonnée ce matin. Nous arrivons en ville, faisons quelques courses et trouvons un camping. Pour moi qui aime le bivouac, le fun s’arrête là. Nous dormons à Odda. Le jour suivant, nous prenons le bus jusqu’à Roldal. Nous y passons une nuit puis le lendemain reprenons le bus pour Oslo. Visite d’Oslo en une journée. Pluvieuse pour changer. Retour en France.
À partir du moment où je suis descendue du plateau, je n’ai eu qu’une envie, y retourner. À mon sens, il n’y a rien de mieux que le bivouac entouré de gens qu’on aime. Même dans les conditions les plus difficiles, il y a toujours une lueur d’espoir, un petit mot gentil et des bons souvenirs. Et que dire des journées où le temps est plaisant. Les paysages, la liberté et la joie de fouler des sols inconnus. Se réveiller chaque jour en voyant un paysage différent, toujours plus beau que le jour précédent. Retourner aux fondements même de la vie et réaliser la chance que l’on a.
Laisser un commentaire