C'est vous qui le dites ! Spitzberg

Spitzberg 2019: Un séjour au poil…

Retour au Spitzberg, une île où j’ai eu la chance de guider plusieurs séjours depuis mes débuts en 2014. Cette fois ci je pars pour 10 jours d’autonomie sur un secteur encore inconnu pour moi et un groupe de 9 personnes. L’objectif du séjour est d’explorer en kayak et en randonnée Tempelfjord (fjord du Temple) et son glacier le Tunabreen.

Arrivée du groupe le 23 juillet à l’aéroport de Longyearbyen, tout le monde a ses bagages, le séjour commence bien. Après une demi-journée de préparation de notre équipement nous partons à bord d’un bateau pour se faire déposer à Elveneset. La dépose fut épique : 3 kayaks lâchés par l’équipage et qui partent à la dérive, le moteur capricieux du zodiac pour faire les allers-retours entre la plage et le bateau, un vent suffisamment fort pour perturber le montage des tentes… tout ce qu’il faut pour mettre dans l’ambiance! Bref un débarquement et une installation de camp qui aura pris 3h.

Jour 2, randonnée au-dessus du camp pour prendre de la hauteur et observer ce qui nous attend pour la suite du séjour.

Après une belle montée à Botneheinosa, nous profitons du beau temps pour manger au sommet. Le groupe étant en bonne condition physique nous prolongeons la randonnée sur le plateau avant d’attaquer une descente bien technique en pierrier afin de rejoindre la verdoyante et magnifique vallée De Geerdalen. En prime nous aurons même le plaisir d’observer de beaux rennes ainsi que deux renards.

Jour 3, c’est l’heure de charger nos kayaks et de déménager en direction de Fredheim, une ancienne cabane de trappeur.

Après 2h de combat face au vent et aux vagues nous n’avons parcouru que 6km. Un peu démoralisés nous débarquons donc à Kapp Belvèdère pour manger face à la baie qui abrite des centaines d’oiseaux profitant de la marée basse pour pêcher.

La suite de la journée fut presque trop facile puisque nous arrivons rapidement à Fredheim pour monter notre camp. Malgré une petite randonnée aquatique… car à l’approche de Sassendalen la marée basse nous a piégés au large nous obligeant à marcher à côté des kayaks pour trouver une zone plus profonde.

Chaque nuit les membres du groupe se relaient pour monter la garde à cause de l’ours ! C’est aussi un moment privilégié pour se retrouver seul et observer la nature qui nous entoure, cette fois ci ça sera des baleines qui assureront le spectacle!

Jour 4, c’est parti pour une randonnée qui commence par de la traversée de rivière…

… en sautant de rocher en rocher puis pieds nus dans les eaux glaciales de la rivière… la prochaine fois on pensera à prendre les bottes!

Le plus dur est fait nous pouvons donc atteindre le sommet de Fjordnibba, une falaise qui surplombe Tempelfjord et qui abrite des centaines d’oiseaux dont des macareux que nous aurons la joie de photographier. Nous agrandissons la randonnée pour observer le canyon de NoisDalen mais aussi quelques rennes qui broutent paisiblement la toundra. Une journée qui se termine donc sous le soleil et avec des gardes à nouveaux bercés par le souffle des baleines.

Jour 5, nouveau déménagement et à nouveau vent de face alors que la veille nous l’avions dans le dos… la poisse!

Le beau ciel bleu et l’approche du glacier permet au groupe de garder le moral. Alors que nous rencontrons les premiers icebergs à l’approche de notre futur camp les bélugas redonnent des forces aux retardataires ce qui nous poussent une fois de plus à faire durer le plaisir. Nous installons notre campement avant d’avoir la visite d’un phoque curieux et intrigué par notre présence.

Jour 6, exploration du Tunabreen en kayak et baignade involontaire pour certains!

Après avoir longé le glacier et observé de beaux vêlages de glace (chute de glace) il est temps pour nous de trouver une zone pour manger. Alors que nous nous apprêtions à débarquer le Tunabreen a vêlé une grande quantité de glace provoquant de grosses vagues qui à l’approche de la zone de haut fond où nous nous trouvions se sont transformées en vagues déferlantes.

Tout le monde a su réagir rapidement et a suivi les consignes pour affronter les vagues. Malheureusement le Tunabreen nous avait réservé une surprise beaucoup plus grosse! Nous nous sommes donc retrouvés une seconde fois face à des vagues déferlantes beaucoup plus importantes. Sur ce coup là un équipage n’a malheureusement pas pagayé suffisamment fort et s’est retrouvé en travers pour passer la vague… baignade donc pour nos deux kayakistes dans une eau à 4°C! Cela aura au moins eu le mérite de faire rire le groupe.

Un bon repas et une petite balade digestive en direction du glacier Von Post suffiront à réchauffer nos deux nageurs arctique mais aussi d’autres membres du groupe comme vous pouvez le voir…

Jour 7, déménagement vers la sortie de Tempelfjord à Bjonahamna dans une anse à l’abri du vent.

L’objectif est de faire une petite journée pour permettre à chacun de se reposer et de se refaire une santé. Après un transfert rapide et l’observation de quelques bélougas nous montons le camp sous une météo très clémente qui permettra à certain de dormir à la belle étoile malgré eux… un ours ronflait trop fort dans la tente voisine !

Jour 8, nouveau déménagement en direction de Gypsvika en référence à la forte présence de gypse dans les montagnes.

Le démontage du camp se passe à merveille, tout le monde est dans son kayak, il ne me reste plus qu’à ranger mon arme pour embarquer quand soudain Victor m’interpelle pour me prévenir qu’un ours arrive vers nous! J’embarque vite et nous nous plaçons à distance raisonnable pour observer cet ours très curieux et intéressé par notre présence. Celui-ci ayant rapidement fait le choix de se mettre à l’eau pour nous rejoindre nous quittons les lieux.

S’en suivent une bonne quinzaine de kilomètres de kayak sur une mer d’huile et un soleil radieux. Nous mangeons et installons notre camp, il est parfait et donne l’occasion d’observer un renard bleu et des rennes ainsi que quelques vertèbres de baleines… quoi demander de plus.

Jour 9, notre périple touche bientôt à sa fin.

. Direction donc le sommet de Gypshuken à 728m d’altitude pour une dernière belle randonnée. Le camp étant dans la brume nous espérons passer au-dessus et avoir une belle mer de nuages. Lorsque nous y parvenons Maryna s’improvise metteur en scène et nous tentons d’écrire le nom de l’agence sur la mer de nuage… une vraie séance d’acrosport!

En fin d’après-midi, alors que nous étions sur le retour nous observons notre camp depuis des falaises quand nous nous apercevons que notre tipi est couché et qu’une tente est renversée. Il n’y a pas eu de vent suffisamment fort, je commence donc à pencher pour la présence d’un ours polaire.

Tout le groupe est en éveil pour tenter de repérer celui qui a fait ça… quelques courtes minutes suffiront pour le trouver. C’est bien un ours polaire, il marche dans la toundra à côté du camp et se couche à environ 300m de nos tentes.

Nous rentrons donc en évitant de croiser son chemin et en étant extrêmement vigilant. Arrivés au camp nous constatons les dégâts… visiblement il aime la confiture mais il s’est blessé avec le pot en verre qu’il a dû éclater dans sa gueule, il y a du sang visible à plusieurs endroits. En revanche il n’a pas apprécié nos tentes puisque notre tipi est inutilisable et 5 tentes sur 6 sont déchirées. Etant donné que c’est notre dernière nuit et que le bateau nous récupère le lendemain matin nous décidons de passer une dernière nuit dans nos tentes aux nombreuses aérations… au moins il n’y aura ni odeur, ni condensation alors encore merci l’ours pour cette brillante idée.

Vers 19h notre ours se remet en marche vers nous… puis décide de s’arrêter à une quarantaine de mettre de nous après avoir tiré avec le « flare-gun » : un pistolet d’alarme qui tir des cartouches qui font uniquement une explosion sonore pour effrayer l’ours. Le bruit sur les gamelles et les 4 tirs de flare-gun l’auront dissuadé de venir jusqu’à nous. Malgré tout je reste très méfiant car finalement aucun des tirs ne l’a réellement effrayé, celui-ci ne semblait pas du tout perturbé par le bruit de la détonation mais seulement importuné par la fumée.

Le point positif de cette intrusion sur le camp une magnifique séance photo pour certain et surtout un groupe qui reste calme et qui ne panique pas en situation de danger. D’ailleurs à peine l’ours parti, la vie sur le camp reprend et c’est l’heure de cuisiner: au menu boulettes de viande avec des spaghettis et en dessert des chamallows grillés au feu de bois.  Après ce bon repas et toutes ces émotions il est temps d’aller se reposer car j’ai le pressentiment que la nuit risque d’être perturbée par notre voisin. Alors que Victor et Thomas montent la garde, ils me réveillent brutalement à 23h55 pour m’avertir que l’ours revient. Tout le monde se lève attrape sa gamelle pour faire du bruit et le dissuader à nouveau. Malheureusement cette fois ci rien ne l’arrête, ni le bruit, ni les tirs de flare-gun.

L’ours commence par s’attaquer à la seule tente qui n’avait rien… la mienne et se lance dans un grand déballage de mes affaires. Puis ne trouvant rien d’autre à se mettre sous la dent que ma pharmacie il s’attaque à nouveau aux autres tentes malgré le concert de bruit de gamelle proposé par le groupe surnommé « vie de dingue ». La décision de faire appel au gouverneur du Spitzberg est prise… enfin presque puisque le téléphone satellite est récalcitrant et ne veut ni appeler les services d’urgence du gouverneur ni Gwen notre logisticien basé à Longyearbyen. Il nous reste l’option d’appeler l’agence à Paris, 00h20 au bout de la 2ème tonalité Vincent le responsable de la destination décroche! Ouf !! Malgré un réveil brutal il transmet mon message d’alerte à Gwen pour qu’il nous sorte de cette situation qui se complique. L’ours lui de son côté a fini son déballage de tente et s’attaque donc à présent à nos kayaks… Les services du gouverneur finissent par parvenir à me joindre et décident de nous envoyer un hélicoptère pour faire fuir l’ours afin d’éviter de l’abattre et de nous évacuer de la zone. L’inconvénient c’est qu’ils ne veulent pas décoller sans avoir les coordonnées GPS… sauf que le GPS est dans le kayak et que sur le kayak il y a un ours… mais rien ne semble les convaincre. Je me lance donc dans le calcul des coordonnées GPS à l’aide du carroyage en format UTM… raté ils les veulent en format degrés minutes… c’est reparti pour un calcul, ce n’est pas comme si l’ours était à 50m de nous! Enfin bref, l’hélico décolle et vient nous chercher, il est temps car l’ours se rapproche de nous. Ayant fini de jouer avec nos kayaks il vient vers notre coin cuisine pour vérifier l’état du fond des gamelles.

Vers 2h15 du matin l’hélicoptère arrive sur zone ce qui fait fuir l’ours de façon très efficace. Après un rapide rangement des affaires déballées par l’ours nous évacuons le camp en n’emportant avec nous que la nourriture restante et les déchets… pour ne pas le pousser à revenir. C’est le moment pour tout le monde de souffler et de profiter de ce baptême d’hélicoptère improvisé qui comme l’ours laisseront un souvenir impérissable de ce séjour à l’ensemble du groupe « vie de dingue » mais aussi à moi-même. Le lendemain avec 2 autres collègues nous sommes retournés sur le camp pour démonter et évacuer l’ensemble des restes de tentes, les affaires des clients et nos kayaks.

Un séjour exceptionnel malgré les nombreuses pertes matérielles avec un groupe au top de sa forme et une nature omniprésente qui nous a rappelé la force de ses éléments que ce soit par le vent, la glace et ses vagues déferlantes ou encore par la puissance physique de l’ours.

13 commentaires

Jean-Jacques ROMEYER

Que d’aventures !
Ça donne envie de faire son sac à dos et de te rejoindre, les photos sont superbes !

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Poindextre

Très jolie photos et le voyage à du être beau malgré l’ours mais au moins vous avez vu des choses qu’on voit que à la télé la chance. J’espère que vous en garderai de beaux souvenirs et que vous continurai vos voyages.

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Laforest

Magnifique moi qui est amateur de kayak tout simplement sublime j aimerais bien faire une excursion de ce genre bravo tout le monde pour votre self-control ?

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Nicolas

Bonjour et merci pour votre article mais franchement quand on lit un tel récit de voyage on se demande un peu si on est parti avec un professionnel ou pas.
Un tel sat qui ne fonctionne pas ou qu’on ne sait pas faire fonctionner, un guide qui n’a pas son GPS sur lui pour donner sa position au gouverneur en cas de problème, un mec debout dans son kayak en pleine navigation, des clients qui tombent à l’eau, dans de l’eau à 4°c, un guide qui se fait bouffer sa trousse de premier soin par un ours… Prendre les choses à la rigolade c’est cool, mais manquer de professionnalisme c’est une autre chose. Ecrire un tel article c’est très bien et ça fait de la pub pour la destination, mais c’est important que les gens voient bien qu’ils sont encadrés par des boites pro, des guides pro, et qu’on ne fait pas n’importe quoi au Svalbard comme ailleurs. Après on s’étonne que le gouverneur du Svalbard doivent abattre des ours du fait de la négligence de certaines personnes… Loin de moi l’idée d’être moralisateur dans mon message, on fait tous des erreurs et moi le premier, mais je pense que c’est sans doute pertinent de se poser les bonnes questions quand on vit ce genre de péripéties.

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Isa

Bonjour Nicolas,
Je me permet de vous répondre en tant que participante à ce séjour!
Votre commentaire est complètement diffamatoire. Notre guide Fred était au top et nous a fait découvrir le Svalbard dans de parfaite conditions de sécurité. Ayant était moi même inquiète par rapport l’ours il a su m’écouter et me rassurer et ceux grâce a son professionnalisme! Vous parlez de ceux qui se sont retournés mais vous ne connaissait pas les conditions de ce chavirage… et c’est arrivé car ils n’ont tout simplement pas écouté la consigne! que peux faire le guide dans ce cas là?
Vous parlez d’abattre des ours, si notre guide a sollicité de l’aide auprès des autorités c’est justement pour éviter d’abattre cet ours! Il a toujours cherché à protéger le groupe et l’ours.

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Gus

Je suis bien d’accord avec l’avis de Nicolas. Même sans connaître les conditions de ces péripéties, le voyage a clairement été conduit par des guides qui ne respectent absolument ni la nature, ni les clients, ni les réglementations. Un ours polaire, ce n’est pas un coyote. Quand on aperçoit, à terre, un ours, on plie ses affaires et on décampe !! En aucune manière on ne reste tranquillement là à camper et à dîner en jetant un oeil au loin !! bien sûr que l’ours est revenu, il aurait pu faire bien plus que quelques dégâts matériels, vous avez eu beaucoup de chance et d’inconscience. Faire venir un hélico dans ces zones totalement sauvages, tout ça parce qu’un groupe n’a rien respecté, c’est normal selon vous ? C’est suite à ce genre de comportement que les restrictions seront de plus en plus dures jusqu’à interdire la présence de l’homme sur le territoire ?

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Grégoire

Bonjour Nicolas,
J’ai fait partie de ce voyage jusque dans l’eau à 4°C et je peux vous garantir le professionnalisme de Fred.
Ce n’est pas utile de surinterpréter ce récit pour incendier gratuitement sur l’internet, trop facile.
Les « bonnes questions » ont été posés par les sysselmannen, il n’y a pas besoin de s’en poser d’autres.
Nous n’avons jamais été mis en danger.
Bon voyage.

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