Terre-Neuve, cette île canadienne située sur la côte est du Canada, fait encore partie de ces destinations méconnues, du grand public comme des trekkeurs aventureux. En France, le plus souvent ceux qui en ont entendu parler viennent de Saint-Malo, de Fécamp, ou de quelques autres ports d’où sont parties pendant cinq siècles d’abord des goélettes armées de doris, puis des chalutiers, en direction du plateau sous-marin les « Grands Bancs » de Terre-Neuve, pour y pêcher la morue.
La région était alors connue pour son climat rude, venteux et froid, sans oublier la brume impardonnable qui cachait aux marins des icebergs destructeurs, mais aussi les goélettes aux dorissiers, qui devaient retrouver à la rame et à la corne de brume le bateau mère après avoir remonté les lignes de fonds.
Mais qu’en est-il de l’intérieur de cette île de pêcheur ? A quoi ressemble le cœur de Terre-Neuve, sa nature sauvage, inhabitée, dont certaines zones n’ont pour ainsi dire aucune photo qui circule sur internet?
C’est ce que nous avons voulu découvrir, Thierry, Simon et moi-même, en nous aventurant une semaine sur la côte sud, pour un trek de cinq jours, pendant lequel nous marcherons toujours hors sentiers.
Nous sommes partis en bateau de Saint-Pierre et Miquelon, pour rejoindre le village de Grand le Pierre, tout au nord de la baie de Fortune. A Grand le Pierre, inutile de chercher des infrastructures touristiques, il y a deux cents habitants, aucun restaurant, bar ou hébergement, mais seulement une station service « dépanneur » à moitié détruite où vous pouvez acheter le minimum, c’est à dire pas grand-chose hormis du poulet frit, des chips, des canettes, et deux-trois bricoles qui agrémentent le tout.
De là le lendemain matin, Landsey et Dennis, deux marins-pêcheurs, nous ont amené en bateau au sud d’une péninsule rocheuse, dans une anse qui s’appelle Little Cone, juste à l’est de Long Harbour Fjord.
Une fois partis, nous étions seuls, et nous savions que nous ne verrions personne jusqu’au village de Grand le Pierre, que nous voulions rejoindre en cinq jours. En même temps, en se rendant là, on espère plus voir des animaux que de la populace, il faut bien l’admettre.
Bien que dépourvue de sentiers, cette zone de roche volcanique rabotée pendant les ères glaciaires se marche très bien. Toutefois, au vu du No Man’s Land du coin, il est plutôt nécessaire de bien savoir s’orienter avant de s’y rendre, car les quelques sentes formées par le passage des caribous, des orignaux et des ours noirs ne permettent pas de rejoindre la civilisation.
Ceci étant, à partir du troisième jour, nous avons commencé à rejoindre une zone plus boisée et tourbeuse. Hors sentiers, marcher en forêt peut vite s’avérer compliqué et moins agréable, puisque les arbres que nous aimons tant nous cachent les appuis pour les pieds, nous réservent des branches où l’on s’emmêle les chevilles pour se retrouver plus près du sol, ou nous obligent à nous baisser, ramper, forcer sur les branchages pour pouvoir passer avec notre sac à dos chargé de tout le matériel d’autonomie.
En même temps, les boisés sont des incontournables de la marche dans le « back country » Terre-Neuvien, on les évite un maximum, mais on apprécie quand même d’y passer un peu, pour saupoudrer notre parcours de ce soupçon d’aventure.
Quant à la tourbière, c’est une zone humide dont le sol est constitué de tourbe acide. C’est l’habitat de plusieurs plantes carnivores, orchidées et éricacées, mais le genre végétal qui domine est le « sphagnus », soit sphaigne en français. La sphaigne c’est une mousse à l’aspect étoilé, qui varie du rouge au vert en passant par le jaune. La sphaigne, quand on y marche on ne s’y enfonce pas autant que dans l’eau, mais quand même un peu, c’est mou, spongieux et nous devons être prêts à lever le pied pour avancer.
Finalement, en plus des points de vue imprenables sur le fjord et l’intérieur de cette péninsule, c’est cette diversité d’habitat qui fait la richesse de ce parcours, et ce côté primaire, authentique et sauvage de la nature, où nous ne pouvons qu’être de passage, sans laisser de traces, le temps d’une marche.
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